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Parti de Gauche - Somme (PG 80)
15 février 2014

La juste condamnation de Gautier-Sauvagnac

S G

Si l’on en croit ses déclarations, c’est un patriote qui a été condamné en correctionnel le 10 février à trois ans de prison dont une année ferme et 375 000 euros d’amende. Son défenseur qui a prévenu qu’il sera fait appel du jugement s’est ému de cette « sévérité sans pareille ». Denis Gautier-Sauvagnac n’est effectivement pas un de ces voyous qui troublent la sécurité publique en volant des scooters. Il était juste accusé d’avoir été, selon le réquisitoire du procureur, au centre d’un « système occulte de distribution d’importants fonds en espèces ». En l’occurrence la bagatelle de plus de 16,5 millions d’euros pour la période 2000-2007.

Denis Gautier-Sauvagnac aurait-il été victime de sa fonction ? En tant qu’ancien délégué général, vice-président puis président de l’UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie) entre 1994 et 2007, il n’a fait, d’une certaine manière, que perpétuer la tradition. Il faut se souvenir que l’Union en question a été portée sur les fonts baptismaux par le célèbre Comité des Forges le 17 septembre 1900. Un de ses parrains les plus actifs, Eugène Schneider, un rejeton des fameuses 200 Familles, décrivait ainsi son futur destin : « organiser l’entente des patrons afin de résister aux grèves des ouvriers. »

Emportée par son enthousiasme, l’UIMM ne s’est pas contentée de jouer le rôle d’un syndicat patronal. Elle n’a pas résisté au plaisir de l’anticommunisme au cours de la guerre Froide, jusqu’à financer ensuite, en toute discrétion, la propagande anti-programme commun à l’aide de quelques millions de tracts, d’affiches, voire de journaux édités pour l’occasion. Si l’on en croit Yves Bertrand, ex-directeur central des Renseignements généraux, elle aurait également soutenu activement la campagne de Valéry Giscard d’Estaing en lui fournissant de quoi se payer une logistique et les services d’ordre du GUD et d’Ordre Nouveau.

Mai 68 ayant effrayé les héritiers du Comité des Forges, François Ceyrac, alors président de l’UIMM, avant de devenir celui du CNPF (ancêtre du Medef) crée en 1972 l’EPIM (Entraide professionnelle des industries des métaux). Il s’agit d’une caisse de secours mutuel pour pallier aux conséquences des conflits sociaux de l’après-68. A ne pas confondre avec une caisse noire ni une « caisse antigrève » ont insisté en chœur les responsables de l’UIMM. C’est de cette caisse toutefois que proviennent les 16,5 millions d’euros retirés en cash et distribués par Denis Gautier-Sauvagnac.

A qui et dans quels buts se sont interrogés les juges ? Il semble qu’un million d’euros ait servi de complément de salaires aux dirigeants de l’UIMM. François Ceyrac, qui comme on l’a vu, méritait un minimum de reconnaissance, a par exemple perçu un complément de retraite de 5 000 euros par mois de 1981 jusqu’à 2007 quand l’affaire a été révélée. 2 autres millions d’euros ont été utilisés en frais de mission par les mêmes dirigeants. Denis Gautier-Sauvagnac s’adjugeait ainsi 15 000 euros par an de frais de représentation. Comme l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, il s’est aussi consenti des prêts immobiliers à des taux très avantageux afin d’acquérir deux appartements. Aucun privilège là-dedans sans doute aux yeux de celui qui, président de l’Unedic, et négociateur pour le compte du Medef dénonçait l’exorbitant avantage du chômeur et de l’intermittent du spectacle.

Reste la grosse somme de 13,5 millions d’euros. Elle aurait été utilisée, selon les termes pudiques du président de l’UIMM, à « fluidifier le dialogue social ». Perfidement, il allègue que les syndicats ouvriers auraient touché leur part, ce qui paraît avéré pour la CFTC (380 591 euros), la CFE-CGC (66 930 euros), la CFDT (25 584) et FO (22 890). Des syndicats étudiants, plutôt de droite auraient aussi perçu leur écot et la suspicion est savamment entretenue en ce qui concerne de possibles personnalités parlementaires et politiques.

Se drapant dans une posture patriotique très équivoque quant aux conséquences, Denis Gautier-Sauvagnac a refusé de s’expliquer devant le juge. « Les versements ont été faits à des gens très honorables, liés à des organismes qui font partie de notre vie sociale et je ne crois pas, très sincèrement, qu’il soit de l’intérêt général de procéder à un grand déballage qui ne serait pas utile à notre pays. »

Le fait est, au contraire, que l’absence de « déballage » nuit directement à la démocratie, ce qui n’a pas échappé à la Justice qui est allée au-delà des réquisitions du procureur (2 ans avec sursis et 250 000 euros d’amende). Les affaires Gautier-Sauvagnac ou Cahuzac ne sont pas les faits divers d’un jour mais l’envers du décor d’une république définitivement mitée. Vite, la 6e !

Jean-Luc BERTET

 

Source : cliquez ici

 

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