Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Parti de Gauche - Somme (PG 80)
25 février 2014

De Nantes à Florange, le temps des dégoûts

JLM

Blog de J.-L. Mélenchon :

Ce matin-là, en roulant vers France Info à l‘arrière de la moto taxi, j’ai vu le jour à peine levé colorer, en rasant l’horizon, les monuments de la place de la Concorde et le fond du paysage. Le pyramidion de l’obélisque, le toit des Invalides et les chevaux du pont Alexandre III avaient pris la couleur de l’or rouge. La beauté des choses dilua l’amertume des mauvaises nouvelles du matin. Elles venaient de l’Amérique latine. Nous venions de perdre Quito aux élections municipales en Equateur et quelques autres villes d’importance. Du Venezuela aussi m’était arrivé un flot d’informations très contrariantes sur le déroulement de l’offensive putschiste de la droite contre le gouvernement. L’écœurante agressivité des médias, leurs méprisables truquages montrant des scènes de rue filmée en Syrie ou ailleurs pour les imputer au Venezuela, tout cela me faisait mesurer le niveau de l’adversité que nous affrontons. On venait de vivre en France le lamentable numéro des provocations dans les rues de Nantes. C’est assez pour savoir comment un système d’information docile peut détourner un débat de la question d’un grand projet inutile vers une injonction à tous de condamner ses opposants criminalisés. Notre camarade Françoise Verchère, conseillère générale du canton où Ayrault veut construire son aéroport, pointe les bizarreries de la situation qui font penser à une manipulation de la violence dans les rues de Nantes. Mais, lundi, l’occasion d’être écœuré avait déjà changé d’accroche avec l’adoption de la loi Florange, pauvre reste sans consistance du candidat Hollande.

Fort heureusement, madame Le Pen est allée au salon de l’agriculture. Elle y a dénoncé le grand marché transatlantique. Les médias habituels ont aussitôt relayé sa précieuse parole. Les mêmes n’avaient pas consacré une ligne aux motions que nous avons déposées et faites adopter aux conseils régionaux d’Île-de-France et de PACA. Les mêmes, bien sûr, n’ont pas poussé la curiosité jusqu’à se demander ce qu’a voté le FN. Les mêmes viendront ensuite nous lancer finement : « vous dites comme madame Le Pen : vous dénoncez le grand marché transatlantique». « Le Monde » devrait donc bientôt s’intéresser à une question dont il obère l’existence depuis dix ans. Il faut comprendre : en difficulté financière et en panne de lectorat, « Le Monde » essaie de regagner des parts de marché à droite en consacrant de nombreux publi-reportages sur madame Le Pen. Encore une belle page ce mardi ! Pour ma part, je reviens sur la question car nous venons d’entrer dans une nouvelle phase de notre campagne contre ce nouveau traité.

Mais c’est aussi l’international, mon sujet, ce jour encore. Je n’évoque pas cette fois ci l’Amérique du sud mais l’Ukraine et la Tunisie où se joue, d’une façon ou d’une autre, le sort de nos sociétés !

La loi Florange est aussi froide que les hauts fourneaux abandonnés.

L'Assemblée a adopté la proposition de loi PS dite "loi Florange". Je crois utile de revenir sur ce sujet très instructif. En effet d’aucuns pleurnichent que ce serait «mieux que rien ». Une fois de plus est mise en cause notre « opposition systématique ». Elle nous conduirait à sous-estimer les « petits pas » qu’un tel texte comporterait ! Mauvaise plaisanterie ! L’intitulé emphatique du texte gouvernemental souligne bien l’ampleur de la fumisterie dont il est question ! En effet, il s’agirait ni plus ni moins que d’une "loi pour reconquérir l'économie réelle". Pauvre vestige verbeux du temps où Hollande prétendait faire la « guerre à la finance » et parodiait mes discours sur la nécessité de « définanciariser l’économie ». En réalité, c’est une « loi prétexte », un simple affichage. Faute de pouvoir l’amender, le groupe Front de Gauche au Sénat avait déjà fait rejeter le texte en s’abstenant à chacune des deux lectures. Peine perdue : le gouvernement est resté fidèle à sa méthode du passage en force.

Il est vrai que c’est au Sénat que s’est joué la volteface solférinienne sur ce sujet. Au Sénat notre groupe avait déposé une proposition de loi contre les licenciements boursiers. Les socialistes dans l’opposition l’avaient votée. Puis, de retour de Florange, touchés par la grâce, Hollande et Ayrault avaient pris la pose. Ils avaient déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi bien avancée. C’était le 28 février 2012. Hollande en était le premier signataire, Ayrault le second. Mais tout était bidon ! Ce texte ne sera jamais discuté. En effet c’est un tout autre document qui est arrivé à l’ordre du jour des assemblées. Il a été déposé le 15 mai 2013. Son seul dépôt est déjà un enfumage. Car, à l’époque, le PS, dorénavant, gouverne. Et, pas de chance pour lui, il se trouve mis au pied du mur par le Front de Gauche. En effet le 16 mai arrivait en débat à l’Assemblée notre texte déjà adopté par les sénateurs socialistes. « Comment se sortir de là ? », se sont demandé les hiérarques menteurs. Un d’entre eux, plus cynique que les autres, trouve la parade : déposer un nouveau texte. De cette façon, les solfériniens se sont donné le moyen d’exiger des députés de la majorité gouvernementale qu’ils ne confirment pas le vote de leurs camarades du Sénat. Il suffisait de leur promettre un « riche débat » sur la nouvelle proposition. Bien sûr, personne n’était dupe. Mais tous ont pu faire semblant. La gauche du PS a tout avalé comme d’habitude et avec le même cynisme que lors du renvoi en commission de la loi sur l’amnistie sociale. Après avoir passé cet obstacle, il ne restait plus qu’à finir de diluer le projet dans l’eau tiède.

Hollande promettait « l'obligation » pour un industriel de céder un site rentable qu'il souhaite fermer si un repreneur se manifeste. Montebourg avait ensuite évoqué une loi qui serait "parfaitement applicable aux deux hauts-fourneaux du site de Florange" et parlait de "procéder à la transmission forcée [du site] par la voie de justice". Tout cela, c’est fini. La loi qui vient d’être votée ne prévoit pas « d'obliger » à céder un site rentable. Elle prévoit seulement : l'obligation de « rechercher » un repreneur pendant 3 mois et de transmettre les éventuelles offres de reprise au Comité d’Entreprise. Si le CE estime les recherches insuffisantes, il peut saisir le Tribunal de commerce. La belle affaire ! La peine maximale est à disposition du tribunal de Commerce. Mais est-ce là un vrai organe de justice ? En toute hypothèse, c’est une condamnation bien vénielle. Le tribunal peut condamner le propriétaire du site à une pénalité de 20 SMIC par emploi supprimé (28 000 euros). Mais, dans le débat parlementaire, les zélés ont pu encore restreindre la peine. Le total des pénalités a été plafonné à 2% du chiffre d'affaires. Où sont passés les zélés socialistes qui affirment « c’est de l’intérieur qu’on est le plus utile et efficace » ? Puisqu’il n'y a aucune obligation de céder un site rentable, il suffira de payer pour contourner l’esprit de la loi. Comme la loi ne s’applique qu’aux groupes de plus de 1 000 salariés, on peut dire sans exagérer que cette loi vient d’instaurer une nouvelle taxe sur les licenciements, un point c’est tout.

Le meilleur réquisitoire prononcé contre ce texte prétendument « anti fermeture de site » a été prononcé par Edouard Martin. Il était alors responsable CFDT de Florange. Le nouveau texte venait d’être déposé. « Elle a été pas mal vidée de sa substance », avait-t-il déclaré. Or, depuis lors, elle a encore été édulcorée. Qu’en dit-il ? A l’époque il était plus bavard : « C’est bien de voter une loi, mais servira-t-elle à quelque chose ? Je ne sais même pas si elle conserve encore un peu de l’esprit de l’origine. (…) On ne parle même plus de sites rentables ni d’obligation de céder au repreneur. Je sais que des pénalités financières sont prévues mais, compte tenu de la puissance des groupes en question, ils s’adapteront et provisionneront l’argent nécessaire. Exemple : avant même la fermeture de Gandrange, Mittal avait provisionné les 35 M€ dont il avait besoin pour le plan social. Ces sommes-là, 20 fois le Smic, ne les feront pas reculer. » Nous faisons la même analyse. Et j’ose dire que nous en tirons les mêmes conclusions que celles d’Edouard Martin lui-même à l’époque : « Si c’est seulement la traduction de ce qu’est Hollande, je me dis que la démocratie permet d’en changer aux prochaines élections. » Ces fortes paroles ont été prononcées par Edouard Martin, le 18 septembre 2013. Depuis, il est devenu la tête de liste du PS dans la circonscription européenne du grand est. Il prétend aller défendre au Parlement européen des idées que son parti abandonne au même instant au niveau national ! Il ferait mieux de suivre son propre conseil électoral. Mais ira-t-il jusqu’à voter contre lui-même ?

17 millions de Français hors GMT

On se souvient que Hollande l’Américain a co-signé un texte avec Obama où il appelle à une prompte adoption du nouveau traité instituant un marché unique avec les Etats Unis d’Amérique. On se souvient que sa hâte est motivée par la crainte d’une « diffusion des peurs » et des « résistances » que sa majesté républicaine juge inacceptable. Pour nous, c’est évidemment tout le contraire. Nous sommes en campagne pour faire s’accroitre le rejet de ce terrible projet. Et cela depuis le premier jour. Et tout au long de la longue séquence très discrète et enfumée de ce processus. En 2009, seul dans toute la campagne européenne, le Parti de Gauche avait édité une brochure d’information récapitulative. Plus de six cent journalistes en reçurent un exemplaire, comme 100 000 Français. Nous ne sommes pas parvenus à percer le mur a peu près total de l’indifférence médiatique. Nous avons donc entrepris d’ouvrir la brèche en partant d’un autre point du tableau. C’est ce qui a été entrepris en région Île-de-France. Et après la région Île-de-France la semaine dernière, le Conseil régional PACA à son tour vient d’adopter une motion exigeant l’arrêt des négociations du grand marché transatlantique (GMT). Ainsi, les deux plus grandes régions françaises, soit 17 millions d’habitants au total, se sont désormais déclarées zone hors GMT. La campagne lancée par les élus du Parti de Gauche passe d’une assemblée à l’autre. Elle donne lieu à d’intéressantes convergences et de non moins révélatrices opposition. Convergences ? Sur proposition du groupe PG-Alternatifs en Île-de-France  et du groupe FDG en PACA, à chaque fois on a retrouvé côte à côte les partis du Front de gauche, les groupes EELV et, dans le sud, beaucoup de socialistes pour voter ensemble. Rappelons qu’il s’agit d’un vote contre un projet pourtant défendu par le chef de l’Etat. A l’inverse, en votant contre cette motion en PACA, le FN a montré sa duplicité : pour la souveraineté populaire et contre le libéralisme sur les plateaux, à l’heure des votes, il est atlantiste et défenseur du « système mondialisé » !

L’objectif à poursuivre est évidemment d’élargir sans cesse le nombre des assemblées locales qui se déclarent « hors GMT ». Il faut ainsi construire une légitimité démocratique qui isole le président de la République et mette en cause son droit à refuser la saisine du peuple : lorsque les élus de la République sont appelés à s’exprimer sur cette négociation anti-démocratique, ils votent contre.

Ces votes dans les assemblées locales sont la preuve que la mobilisation citoyenne peut arriver à percer le mur du silence médiatico-politique sur la question en le contournant. Ce genre d’initiative est donc un vecteur de prise de conscience tout à fait fondamental. Bien sûr, ces votes ne remplacent pas l’action moléculaire sur le terrain. Nous nous y appliquons. A lui tout seul, notre camarade Raoul Marc Jennar aura tenu plus de trente-sept réunions d’information sur le sujet dans tout le pays. Ce travail méthodique va trouver une occasion exceptionnelle de se développer avec les élections européennes. Voyez le dispositif qui se met en place. Le Front de Gauche est hostile au projet, le NPA et les autres groupes trotskistes aussi. EELV a changé de pied sur ce sujet : lui-aussi a pris courageusement position contre le projet. Partout, ses élus votent avec les nôtres pour instituer des zones hors grand marché. On peut penser qu’EELV en fera un axe de sa propre campagne électorale européenne. Tout comme nous. Nous allons donc prendre en tenaille les solfériniens avec l’aide de tous ceux-là. Ainsi va naître un nouveau « non » de gauche au nouveau traité. A la sortie des urnes, le total des opposants de gauche sera plusieurs fois supérieur à celui des votes socialistes en faveur du marché unique Europe-USA. Le président Hollande y perdra sans doute le peu de légitimité qui lui reste, et cela avec l’aide d’une partie de sa majorité parlementaire et gouvernementale. Le front que nous sommes parvenus à faire émerger contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes et le Premier ministre, nous pouvons le constituer sur ce sujet crucial face au président de la République. La consigne est donc lancée : il faut faire de l’élection européenne un référendum contre le projet. Il faut aussi tout faire pour agir conjointement avec EELV sur le sujet, sans frilosité ni préalable d’appareil. Unir sur des contenus, il n’y a pas de meilleures préparation de masse à la construction d’une nouvelle majorité de gauche.

L’Ukraine, nouvelle frontière américaine

Ukraine. Cette fois ci c’est un putsch ! Et une nouvelle fois, la propagande tourne à plein régime et c’est bien normal. L’enjeu géopolitique est énorme. L’offensive contre la Russie que mènent les Nord-américains, en compétition avec les allemands, bat son plein. Comme d’habitude dorénavant, la France n’a pas de politique indépendante, sauf d’ineptes gesticulations « pour la paix et le dialogue » opportunément dosées pour servir toujours le même camp : celui choisi par les Allemands ou les Nord-américains. Il faut se demander si Fabius n’est pas parti si vite de Kiev parce qu’il s’attendait au putsch. Car le fait est que ses bonnes paroles et celle de son collègue allemand peuvent être considérées comme des appoints de la préparation du putsch. Soi-disant venu pour trouver « une conciliation », les deux enfumeurs ont surtout réussi à faire admettre que le pouvoir n’était pas légitime et devait passer devant les urnes. Le lendemain, le coup d’Etat avait donc l’air d’une formalité, d’une anticipation. Le « Journal du Dimanche » pousse l’audace jusqu’à titrer et illustrer sa une avec la corrompue Loulia Timochenko, icône de la presse occidentale, affairiste pourrie jusqu’à la moelle. La voici dorénavant auréolée d’un « Loulia, la voix de la liberté ». C’est incroyable ! Un peu comme si les Balkany étaient à l’Elysée après une nuit d’émeute de l’extrême droite. L’ampleur d'une telle manipulation souligne la force des enjeux.

La violence atlantiste de la diplomatie de Hollande, alignée sur la droite des Etats-Unis, a déjà été démontrée en Syrie. On se souvient des appels à la guerre sainte pour la démocratie, lancée par Hollande et Fabius. Les djihadistes ont répondus à l’appel ; mais ce n’est pas ce qui était prévu… Mais on se souvient aussi que, malgré toutes les mises en garde, Fabius et Hollande avaient déjà volontairement occulté la nature violemment islamiste de l’opposition armée syrienne. Il est vrai que celle-ci disposait d’un sauf-conduit bien apprécié par le gouvernement actuel comme par le précédent : son financement par le Qatar et l’Arabie saoudite. Ces deux pays, il est vrai, étaient des clients par ailleurs déjà concernés de près par le déclenchement de la guerre en Lybie ! Comment oublier que le PS en Tunisie participe à un gouvernement avec les islamistes ? L’atlantisme a des voies décidément très dangereuses. Où est l’intérêt de notre pays dans cette attitude ? De qui notre diplomatie est-elle devenue le bras armé ?

Avec ce cas Ukrainien, nous voici revenus au sommet de la vague des manipulations des opinions. Ici, il s’agit de valider un coup de force dont l’unique contenu est l’hostilité à la Russie. En France, comme d’habitude, pour connaître en direct le sens du vent d’ouest, observez les voiles du vaisseau amiral de la presse sous influence nord-américaine : « Le Monde ». Celui-ci ressort le grand jeu ! Il n’en finit plus de mettre en scène le Disneyland du bien et du mal qui lui tient lieu de récit géopolitique. Entendons-nous bien : la mise en cause du gouvernement Lanoukovitch est fondée. La corruption, le surplace économique et tout le saint frusquin des « démocraties » issues de la fin du « camp socialiste » à l’est sont insupportables. Mais ce n’est pas une raison pour encenser l’opposition, mentir sur son identité, amnistier des criminels et des délinquants, tout cela pour participer à une manœuvre contre la Russie contraire aux intérêts de la France. Le même scénario s’était observé quand on avait vu les mêmes belles consciences encenser le gouvernement totalitaire géorgien parce qu’il venait d’attaquer les enclaves russophones de son pays. C’était pourtant le jour même de l’ouverture des jeux.

En Ukraine, la kleptocratie était tout autant au pouvoir sous l'équipe libérale "pro-Europe" au pouvoir auparavant. Loulia Timochenko, soi-disant voix de la liberté, était en prison pour des détournements de fonds exactement comme son mari l'était aux Etats-Unis pour fraude fiscale. On verra très bientôt qu’il ne suffit pas que les Mickeys des médias inventent une figure tutélaire pour que les rudes barbares qui agissent en veuillent et pour que les princes charmants soient d’accord. Les combattants prétendument « indépendantistes », « pro-Europe », c’est-à-dire le gros de ceux qui ont affronté réellement la police de Kiev en première ligne et ratonnent dans les rues de Lviv à Kiev sont politiquement très clairement identifiables. Les prétendus partis de la « liberté » et de « l’Europe » sont des partis qui s’affichaient encore il y a peu comme des partis de la plus extrême droite. Tel ce « Svoboda », ex-Parti National-Socialiste d'Ukraine ! Leurs partisans se sont déchaînés. On a vu le retour des pogroms antisémites comme dernièrement à la sortie d'une synagogue du quartier de Kiev de Podil. Mais les attaques contre les musulmans ne se comptent plus non plus ! C’est dans cette ambiance que fut révélée le contenu de la conversation où l’on entendit la secrétaire d’Etat nord-américaine faire son commentaire sur l’action des allemands et parler comme si elle s’apprêtait à désigner les membres du prochain gouvernement ukrainien !

Mais ceux qui, en Europe et aux Etats Unis valident les putschs et les insurrections, nous préparent des lendemains furieux d’un bout à l’autre du continent. La Russie ne va pas se laisser faire. C’est bien normal. Le peuple Ukrainien non plus. Sa fraction saine, débarrassé de la tutelle des corrompus qui s’étaient imposés comme leur porte-parole et leur gouvernement, va reprendre l’initiative. On peut donc compter sur une mise en cause populaire de l’extrême droite putschiste qui ce soir tient le haut du pavé aux acclamations de « l’Occident ». Le danger vient de la violence que tout cela peut déclencher et du risque de partition du pays que l’offensive « occidentale » peut provoquer. Sans oublier les traditionnels effets de dominos.

Tunisie : c'est le moment d'aider !

Vendredi j'ai eu la joie d'accueillir au siège du Parti de Gauche notre camarade le député tunisien Mongi Rahoui. J'ai déjà parlé de lui sur ce blog après notre rencontre à Paris avec le leader du Front populaire Hamma Hammami en janvier. J'avais déjà rencontré Mongi deux fois. A Tunis, en septembre, où il dormait avec un gilet pare-balle sur la place du Bardo occupée. Et en novembre, quand j'ai accueilli au Parlement européen une délégation de l'opposition tunisienne. Figure parlementaire du Front Populaire, Mongi a joué un rôle de premier plan dans la résistance des députés d'opposition après l'assassinat de Mohamed Brahmi. C'est cette résistance obstinée d'élus militants qui, combinée à de puissants mouvements populaires, a permis de sortir la rédaction de la constitution tunisienne de l'ornière islamiste où elle s'enfonçait. J'ai déjà raconté ici que c'est à Mongi que nous devons l'avancée décisive opérée par la constitution tunisienne en matière de liberté de conscience et d'interdiction des appels à la violence au nom de la religion. Mongi a dédicacé au Parti de Gauche un exemplaire en français de la nouvelle constitution tunisienne. Il est à la fois fier d'avoir contribué à empêcher la confiscation religieuse de la constitution et en même temps lucide sur les difficultés d'interprétation du texte de compromis adopté. A peine la constitution adoptée en Tunisie, Mongi a entamé une tournée en France. Partout, les camarades du Parti de Gauche se sont mobilisés pour contribuer au succès de ses passages : une réunion de 200 personnes dans le local de campagne de notre camarade Marie Batoux à Marseille, une réunion avec notre camarade Elisa Martin à Grenoble et une participation active du PG à la réunion de Mongi à Paris.

Comme celle d'Hamma Hammami en janvier, cette visite d'ampleur en France traduit un double objectif. D'abord, cultiver l'ancrage méditerranéen et francophone de la Tunisie là où les islamistes voudraient la tirer vers le Golfe persique qui les finance. Ensuite, impulser la structuration militante du Front populaire en France où résident 625 000 Tunisiens. Cette population est un grand enjeu politique pour les prochaines élections qui se tiendront d'ici la fin de l'année 2014. Les Tunisiens de France, qui sont aussi souvent des binationaux Français, représentent 400 000 électeurs inscrits dans 144 bureaux de vote. Ils élisent 10 députés. Mais seulement 30 % d'entre eux se sont déplacés pour les élections de 2011, contre plus de 50 % en Tunisie. Et les islamistes y ont dépassé les 30 %, avec un pic à 44 % en Seine-Saint-Denis. Si la percée des islamistes doit être respectée comme expression de la libre volonté des électeurs, il n’y a pourtant aucune raison de s’y résigner. Car cette percée des islamistes s'explique très largement par l'absence d'organisations et de moyens des partis laïques lors de la dernière élection. Et aussi par leur inexpérience totale à la sortie de la clandestinité dans ce domaine si particulier des campagnes électorales et de l’agitation publique. Pendant ce temps, les islamistes s'appuyaient sur les réseaux des mosquées, l'argent du Qatar et l’expérience du quadrillage social des Frères musulmans. Pouvons-nous cette fois-ci faire la différence ? C’est possible. Nous avons pour nous, dorénavant, la bonne identification du Front populaire, ses réunions régulières, notamment en Île-de-France, et sa structuration militante. Cela devrait changer la donne. J’appelle tous ceux qui me lisent à faire ce qui est en leur pouvoir pour aider matériellement nos amis à organiser et tenir leurs réunions, faciliter leur déplacements, assister bénévolement leurs efforts.

D'ores et déjà, nous avons la joie d'accueillir dans nos campagnes municipales et européennes des militants de plusieurs partis du Front populaire. A Paris, Paul Vannier et Ramzi Kebaili travaillent à préparer un évènement départemental commun du Front Populaire et du Front de Gauche. Nos militants feront de même à leur tour dans les campagnes tunisiennes de l'automne, comme ils l'ont fait lors de précédentes missions d'études et de solidarité. La dernière, effectuée pendant les vacances de fin d'année, a conduit mon directeur de cabinet et un groupe de jeunes camarades de notre parti à partir à la rencontre des militants de la Tunisie révolutionnaire de l'intérieur. Notamment à Sidi-Bouzid, Siliana et dans le bassin minier de Gafsa.

Aucun autre parti n'avait jamais fait cela avant nous. A partir de ces échanges et du travail de notre commission Maghreb-Machrek sous la houlette d'Alain Billon, nous développons une coopération pérenne dans le domaine clef de la formation militante. Si je donne ce luxe de détails, c’est que je veux faire sentir qu’il s’agit d’une bataille concrète à laquelle nous pouvons pleinement participer. Bien sûr, il faut le faire à notre place, sans vouloir se substituer. Nous avons pour tâche d’être les petites mains de nos camarades. Nous devons les soulager de toutes les façons possibles du poids de la gestion matérielle ordinaire de leurs activités politiques. N’oublions pas non plus qu’en travaillant à la défaite démocratique de l’extrême droite en Tunisie, nous travaillons aussi à la libération de notre propre société, qu’elle travaille aussi sous le masque du communautarisme religieux. Lequel conforte à son tour les prétentions communautaristes de l’extrême droite ethniciste « française ». Dans la bataille politique que mène le Front populaire pour exister comme alternative politique, nous croisons les enfumeurs habituels. C’est-à-dire le parti solférinien qui soutient la coalition gouvernementale avec les islamistes. François Hollande ne vient-il pas de remercier le parti islamiste pour sa participation à la rédaction de la Constitution ? Bref : il s’agit de faire vivre concrètement notre solidarité humaine et civique au moment où elle est nécessaire. Il s’agit de faire vivre concrètement la société commune que nous formons avec les Tunisiens, et plus largement les Maghrébins, par-dessus la Méditerranée.

Jean-Luc MELENCHON (Source : cliquez ici)

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité