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Parti de Gauche - Somme (PG 80)
28 février 2014

La social-démocratie est incompatible avec la République sociale

 

AV F Inter

 

27 février 2014

Ce jeudi 27 février, Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, était l’invité de France-Inter. L’occasion d’être attentif puisque lors de l’un de ses derniers passages sur cette antenne en mai 2013, il avait annoncé que le gouvernement s’opposerait à l’Assemblée nationale à la loi d’amnistie des syndicalistes et militants associatifs. Et cela valait effectivement le coup de tendre l’oreille. En une tirade qui se suffit à elle-même et que je vous livre en l’état, le ministre a exprimé sans sourciller non seulement sa conversion et celle des solfériniens à la social-démocratie comme modèle et méthode de gouvernement, mais il a également reconnu et explicité en quoi celle-ci s’opposait frontalement à la République sociale et niait la lutte des classes. Si nous pouvons lui être gré d’un tel aveu, celui-ci n’excuse par contre en rien la violence de ce reniement.

En réponse à la question d’un auditeur (le tout est à retrouver en podcast sur le site de France-Inter dans La matinale vers 8h40), Alain Vidalies profitait de l’occasion pour justifier le transfert de l’élaboration législative du Parlement vers les partenaires sociaux :

« Nous avons souhaité qu’il y ait un rôle donné à la démocratie sociale. Cela ne veut pas dire que les partenaires sociaux font la loi. Mais nous avons pris des engagements. Nous avons dit : quand il y aura un accord majoritaire, c’est à dire signé par une majorité des syndicats qui représentent la majorité des salariés, et par le patronat, alors nous respecterons cet accord. Certains peuvent dire « Non c’est la loi, c’est le Parlement ». Non, nous souhaitons nous engager. Et ce n’est pas une question d’opportunité pour aujourd’hui. Car en réalité, nous avions déjà, et j’étais le responsable au parti socialiste autrefois, j’avais proposé le texte qui marquait cet engagement là et, sous l’ancienne majorité, lorsqu’il y a eu l’accord majoritaire, on n’était pas forcément d’accord sur le fond, celui qui a permis la rupture conventionnelle, parce que c’était un accord majoritaire, dans l’opposition, au nom du parti socialiste, j’ai dit : « Nous allons respecter cet accord et nous allons le voter ». C’est la ligne social-démocrate. C’est un vrai débat et il a toujours existé. Mais c’est la nôtre et nous la respectons […]

On ne peut pas avoir deux lignes politiques… A partir du moment où nous souhaitons que ce soit ceux qui sont au plus près de la réalité du travail dans les entreprises de reconnaître un rôle aux organisations syndicales dans les entreprises, c’est à dire l’engagement social-démocrate dont je parlais, il faut être cohérent, s’il y a cet accord, à condition qu’il soit majoritaire, alors nous souhaitons respecter ces accords. Je comprends qu’on puisse avoir dans une vision plus traditionnelle et plus républicaine une autre vision de la Loi en disant ce sont les élus qui font tout, mais on ne peut pas dire tout et son contraire, reprocher aux élus de ne pas être au plus près du terrain et leur reprocher en même temps de respecter trop les décisions de ceux qui sont confrontés à la réalité économique. Nous pensons que pour avancer il faut avoir un patronat et des syndicats qui négocient dans ce pays ».

Le propos est on ne peut plus clair et n’appelle guère de commentaires pour l’expliciter. En résumant lui-même les termes du débat, Alain Vidalies a exprimé en quoi le fait de substituer à l’élaboration de la Loi par le Parlement un accord entre partenaires sociaux est une rupture profonde avec le modèle républicain. En effet, lors de la négociation entre les organisations syndicales et le patronat, chaque partie défend, et c’est légitime, les intérêts de ceux qu’il représente. C’est pour cela que notre modèle républicain, héritier de Rousseau, est basé sur la souveraineté populaire et a confié au législateur qu’est le Parlement le soin de faire la Loi. Car les parlementaires, représentants du peuple, expriment eux l’intérêt général qui ne peut se résumer à un équilibre entre des intérêts particuliers antagonistes. Voilà le point de rupture entre la social-démocratie et la République. Alain Vidalies ne le nie point quand il concède que d’autres ont « une vision plus républicaine » que lui de la Loi.

Mais non content de mettre en lumière le hiatus entre la social-démocratie et la République, Alain Vidalies traduit également l’incompatibilité irrémédiable entre le modèle social-démocrate et la République sociale. En privant le législateur de jouer son rôle sur l’organisation du travail et en confiant celle-ci aux seuls partenaires sociaux, Alain Vidalies bloque la citoyenneté à la porte de l’entreprise. Une fois passée celle-ci, ce n’est plus la loi comme expression de la volonté générale qui doit donc selon lui s’appliquer mais uniquement le résultat d’une négociation entre le patron et les salariés. Qu’il est loin Jaurès quand il déclamait à la tribune de l’Assemblée nationale « c’est parce qu’il veut que la République soit affirmée dans l’atelier comme elle est affirmée ici […], c’est pour cela que le socialisme sort du mouvement républicain ».

Enfin, et ce n’est pas la moindre des ruptures même si celle-ci est déclamée à l’envi par ces loups recouverts de peaux d’agneaux qui se disent socialistes, Alain Vidalies nie toute existence à la lutte des classes. Lorsqu’il se fait le chantre des accords majoritaires dont il revendique la paternité, le ministre solférinien place sur un même plan d’égalité organisations syndicales et patronat. Pour lui, toute discussion entre ces parties contractantes serait « équilibrée ». Les intérêts des uns vaudraient ceux des autres. Le pouvoir contraignant des uns serait inefficace sur les autres. Le pouvoir décisionnaire des uns serait légitimé quand l’asservissement des autres serait entériné. Cette fois, c’est bien Jean Poperen, l’ancien mentor de Vidalies, qui doit se retourner dans sa tombe, lui qui s’opposait au sein du PSU au nom de la lutte des classes au « moderniste » (déjà !) Rocard.

La sortie d’Alain Vidalies aura donc eu ce mérite d’afficher la reconnaissance sur le fond des ruptures solférinienne avec la pensée socialiste et républicaine. Le fait qu’elle soit faite publiquement marque cependant une volonté manifeste d’accélérer la mise en place d’une nouvelle architecture politique, économique, et sociale, prémisse d’une large recomposition qui engloberait celles et ceux qui, à gauche comme à droite, se retrouvent pour enserrer la France dans ce nouveau carcan.

François COCQ, Secrétaire Général du Parti de Gauche

Source : ici

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